Un film français qui tente le genre fantastique ? C’est exactement ce que nous promet Le règne animal, dont l’action se déroule à notre époque tandis qu’un virus a fait son apparition. Les personnes infectées se transforment en animaux.
Il s’agit du second film du réalisateur Thomas Cailley, disponible sur nos écrans depuis le 4 octobre dernier et qui comptabilise déjà près de 400 000 entrées après deux semaines d’exploitation. Une belle performance pour ce long-métrage qui avait attiré notre attention lors de sa présentation au dernier festival du film de Cannes. Depuis sa sortie, le film, porté par un bouche-à-oreille enthousiasmant, bénéficie de critiques plutôt positives, dont certaines dithyrambiques.
Des effets spéciaux aux petits oignons
Dès les premières images du film, le spectateur est témoin de la situation préoccupante qui sévit. Un père (Romain Duris) et son fils Emile (Paul Kircher) sont coincés dans des embouteillages. Mal à l’aise, le fils sort de la voiture, son père le rattrape près d’une ambulance à l’arrêt, frappée de violentes secousses. Soudain, une créature mi-homme mi-oiseau s’extirpe violemment de l’habitacle, se cogne aux véhicules alentour et s’enfuit.
L’une des grandes forces du film réside dans le subtil alliage des maquillages et des effets spéciaux, réalisés par deux sociétés françaises au top (Atelier 69 et MPC). Au total, près de 150 artistes ont travaillé sur le film et une quinzaine de créatures ont été créées. Clairement, le film ne verse pas dans une débauche d’effets numérique, et c’est ce qui crée souvent une empathie envers les créatures.
Le spectateur n’est pas pris par la main, noyé par des explications toutes les deux minutes. Il découvre, en même temps que les protagonistes ce qu’il se passe.
“Renouer avec la diversité du vivant”
L’idée du film vient de Pauline Munier, scénariste, adaptée pour le grand écran avec le réalisateur. Ce dernier a grandi en Auvergne puis dans les Landes, et son amour de la nature est subliment représenté à travers de nombreux plans aériens ou plus terre à terre.
Ainsi l’on suit sans broncher les protagonistes, le premier tiers du film tout du moins, dans une action menée tambour battant entre le quotidien d’un adolescent différent des autres à bien des égards, celui du père bousculé par la mutation de la maman en animal, et les réactions des gens qui, forcément, réagissent de manière binaire dans leur grande majorité, rejetant les créatures et les traquant comme des bêtes.
Le film avance sur un bon rythme, puis va peu à peu ralentir, un peu trop à mon goût. Certaines scènes sont dispensables et n’apportent pas grand chose à l’histoire (je n’ai rien contre Adèle Exarchopoulos mais son personnage est plutôt fade et n’est pas un élément essentiel de la trame), tandis que d’autres font mouche comme les interactions entre adolescents, la relation très forte entre le père et ce fils qui change, devient adolescent. Le tout étant traité sans clichés et avec beaucoup de sincérité.
“J’ai débarqué en Gironde à l’âge de dix ans, après avoir passé mon enfance en Auvergne. Ces ciels immenses et ces forêts qui me semblaient infinies ont tout de suite été un territoire de fiction. En tournant mon premier film, j’avais fait la découverte de zones qui sont restées dans l’état dans lequel était la région avant l’implantation des pins, au XVIIIe siècle. Il y a quelque chose de touchant dans le fait de traverser une étendue de forêt de pins silencieuse, pour finalement arriver dans des endroits grouillants, où la biodiversité est très dense. C’était justement tout l’enjeu du film: mettre en scène un espace qui renoue avec la diversité du vivant“, détaille Thomas Chailley dans une interview sur le site UGC.
Un film à voir
“Le règne animal” est un film à voir si l’on veut soutenir un genre nouveau, celui de la science-fiction à la française. L’ambiance du début est très réussie, avec des séquences qui vous feront parfois sursauter. Les créatures sont présentes mais pas immédiatement dévoilées. L’une d’entre elle va se laisser approcher par Emile lui permettant ainsi de se rapprocher de sa mère, qui va complètement muter et perdre toute forme humaine. Parfois le film se perd un peu et change de direction, oscille vers la comédie, étire le propos et perd la subtilité du traitement de son thème principal : l’acceptation de la différence. Mais je suis pointilleuse, car franchement ce film mérite d’être vu.